Tuesday, March 4, 2025
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Biama, l’enfant terrible du coupé-décalé


Dans le Nouveau Quartier de Yopougon à Abidjan, la commune la plus peuplée du poumon économique de la Côte d’Ivoire, la jeunesse trompe l’ennui en musique et en danse. Ici, le fracas des tractopelles se mêle aux sonorités de coupé-décalé diffusées par les enceintes des maquis, bande-sonore d’un quartier que l’on tente de moderniser, non sans difficultés. À chaque recoin et terrain vague, on trouve des adolescents, le nez sur leur smartphone, qui lorgnent sur les derniers challenges de danse à la mode sur les réseaux sociaux. Véritable cas d’école, l’analyse de l’émergence du désormais culte « La la la » de l’artiste Zadi The King, contient tout l’ADN d’un lancement réussi sur la planète biama. 

Métaphysique d’un tube

Pour lancer son hit, Zadi The King a d’abord balancé une minute d’une chorégraphie frénétique qui cumule lors de ses trois premières semaines plus de 250 000 vues sur TikTok. Objectif de cet artiste de dix-sept ans ? Tester la popularité d’un potentiel tube en-ligne avant de décider de le sortir. C’est la troisième chanson estampillée « biama », un sous-genre du coupé décalé, que sort Zadi the King en utilisant cette stratégie qui consiste à publier entre 30 et 60 secondes d’une chanson, accompagnée d’une chorégraphie. Sur le titre « Pythagore 2 golaba », sortie à l’automne 2023, la stratégie fut déjà probante, avec plus de 200 000 vues sur TikTok la semaine de sa sortie. Succès bis pour son second hit, « Bossu », sorti un mois après. Le hit dépassera largement le million de vues sur cette plateforme et plus du triple sur YouTube. 

« Jai été surpris par le succès de Bossu. Avant ce hit, je n’étais personne. Du jour au lendemain, des milliers de personnes dansaient sur ma musique », confie le jeune artiste, devenu le “king” du Nouveau Quartier de Yopougon, avant même d’avoir atteint la majorité.À l’image de sa viralité sur les réseaux sociaux, le biama est la nouvelle sensation musicale qui a pris d’assaut les rues et les dancefloors d’Abidjan.

Pour certains, le mot « biama » fait référence à une expression nouchi désignant la critique ou le commérage. Pour d’autres, il s’agit d’une attitude, celle d’être conquérant et résistant face à l’adversité. Sur les réseaux, des fans associent le terme au fait d’être léger, distrait ou encore à l’action de rendre la pareille. Si l’origine du mot biama est flou, les ingrédients de son succès eux, font consensus. 

La danse des immatures

Lancé en 2017 par le chanteur Safarel Obiang et son morceau « manger-chier », le biama connaît un engouement viral à la suite de la vidéo d’un adolescent de Yopougon, Kalo maman, posté en 2021. Dans son challenge « calculatrice 2 fois 2 », il esquisse les premiers pas de danses, spécifiques au mouvement. Par la suite, le duo Team2 Poy et leurs chansons « Dora dance » et « Maman matchôtchô » va amplifier le phénomène. En quelques années d’existence, le genre a pris d’assaut la toile ivoirienne, et conquis les oreilles de très jeunes auditeurs. 

Les spécificités du biama ? « Une musique plus rapide, avec un bpm qui peut flirter facilement avec les 160, contrairement au coupé-décalé classique qui excède rarement les 140 » précise le producteur Emmanuel, compositeur des trois tubes de Zadi the King, depuis son petit studio bariolé de Yopougon. « Cest la danse des immatures » résume Kalo mama dans sa vidéo de célébration, après une partie de jeu-vidéo qui a lancé le genre. Pour les chanteurs et danseurs, cette vibe est avant tout une prolongation du coupé-décalé, une manière plus décentrée d’exécuter des pas, avec des gimmicks et des grimaces ultra-singulières. Le bassin ondule toujours selon le genre initial, mais les mouvements des bras et les pieds eux, sont saccadés et exécutés avec frénésie. Une nouvelle façon de vibrer sur le beat, qui permet ainsi aux jeunes amateurs du genre de s’affranchir de l’ombre des pionniers du coupé-décalé, tout en leur rendant hommage. 

Battle biama parrain Ramses Tikaya © NGuessan-Zoukou Annick

Ressusciter le coupé-décalé 

Depuis les morts de Douk Saga, disparu en 2006 ainsi que de sa relève avec le regretté DJ Arafat décédé lui en 2019, le coupé-décalé ivoirien se cherche un héritier. À eux deux, ces artistes ont épinglé la Côte d’Ivoire sur la carte des pays qui comptent sur la scène musicale africaine. Arafat et Douk Saga ont incarné le visage et porté haut l’étendard du coupé-décalé, déflagration sonore née au sein de la diaspora ivoirienne en France, au début des années 2000. Entretemps, le genre s’est exporté dans le monde entier. C’est par filiation et dans le sillage de la culture club abidjanaise qu’a émergé le turbulent biama. 

Le rejeton emprunte d’ailleurs de nombreux codes à son parent. En premier lieu, l’utilisation frénétique d’« atalaku », ces hommages à des personnalités, figures locales ou simples potes. Transfuges de la rumba congolaise, ces shout-out, largement réappropriés par les chanteurs de coupé-décalé ivoiriens, courent tout au long des tracks de biama.

Né pour faire danser

Autre élément en commun, la présence, dans les chorégraphies de biama des illustres roukaskas, cette danse acrobatique inventée par Ordinateur, le danseur de feu DJ Arafat. Or ce coupé-décalé 2.0 se distingue de son ancêtre par son improbable vitesse d’exécution. « Le biama est une musique inspirée par des danseurs » ajoute le producteur Emmanuel. « C’est autant pour le public que lon compose. On essaye danticiper comment les danseurs pourraient bouger sur la musique, à quels moments, par exemple, ils peuvent accélérer ».

Mis en danse, le biama exprime l’urgence d’une jeunesse ivre de consommer et jouir d’une vie aisée et sans accros, loin de son milieu socio-économique d’extraction. Pour Zadi the King « le biama a ressuscité le coupé décalé. Avant son émergence, le coupé-décalé en était au point mort. Le biama lui, a apporté une autre couleur, une teinte différente, un second souffle ». Idem pour l’artiste Dydy Yeman, autre poids lourd du mouvement : « le biama, a pris une tournure unique. Cest un état desprit ultra-positif, parfois enfantin, qui consiste à samuser, sans penser aux soucis ! »

Biama demo de Roma Chiyaya, Juin 2024 © NGuessan-Zoukou Annick

Au-delà des streams, la défiance

« Le coupé-décalé est né à la suite des mouvements sociopolitiques de 2002, il est venu supplanter le zouglou, un autre style musical lui-même né des grèves étudiantes des années 90 » explique Adolphe Yacé, musicologue et directeur de l’école de musique au sein de l’Institut national des arts et de l’action culturelle de Côte d’Ivoire (INSAAC). Pour cet expert de la musique ivoirienne, le biama s’inscrit lui aussi dans un contexte social singulier. Celui d’une tradition ivoirienne, où la musique exprime et exacerbe les revendications de la jeunesse : « rappelez-vous qu’à l’époque, on avait interprété le coupé-décalé comme un genre en rébellion ou une perte de moralité. En réalité, cest un appel, un cri brut de toute une jeunesse qui a du mal à trouver ses repères, après les nombreuses crises que le pays a traversé ».

Alors que le coupé-décalé a été inventé dans des maquis avant de se propager dans tous les clubs du continent, le biama lui, a émergé sur les réseaux sociaux via des contests de danse. Les pas de danse décentrés du biama peuvent être vu comme des pieds de nez à un parcours de vie tout tracé, une défiance, face à un certain déterminisme social. La chorégraphie du hit « Bossu » contient justement cette dimension sociale particulièrement transgressive. Son auteur explique justement comment joindre la parole au geste : « Bossu signifie liberté en nouchi » explique le King Zadi. « Pour danser sur Bossu, tu mets les épaules en lair, puis tu descends, comme pour signifier que tu as la capacité de prendre soin de tes proches. Cest toi qui invite tes amis dans le club, c’est toi qui payes pour tous ceux qui le veulent. Tu es libre et tu en as les capacités ». 

« Le biama cest un état desprit. On exprime notre joie de vivre à travers nos pas de danse » indique le chanteur et danseur Roma Chihaya, auteur de nombreuses chorégraphies du genre. Son acolyte Azazou Satellite, autoproclamé « Président de tous les biamaseurs de Côte d’Ivoire » abonde dans son sens : « cest du coupé-décalé 2.0. Cest lexpression de la nouvelle génération ». Les deux biamasseurs confient être de plus en plus sollicités pour créer des chorégraphies et la direction artistique de clips vidéos. Ils ont à cœur de valoriser le flow de Yopougon en faisant intervenir les jeunes danseurs de leur quartier dans ces vidéos. Le titre « La machette » d’Azazou Satellite est d’ailleurs l’un des challenges de danse biama les plus hype à Abidjan. Mais désormais, Yopougon est un territoire trop restreint pour le genre : le banger « La pression » de Dydy Yeman vient de dépasser les 13 millions de vues sur YouTube. Le garçon rentre d’ailleurs d’une mini-tournée en France : deux dates à Paris et une à Lyon, où l’artiste originaire du quartier Maroc à Yopougon jouait à guichet complet.

Le genre ivoirien est désormais en orbite

Le biama a largement dépassé les seuls frontières de Yopougon et s’est taillé une place de choix dans les playlists des soirées des quartiers branchés de Cocody, Marcory ou Zone 4. Le titre « Biama de Cocody » du rappeur Blackiller en feat avec l’un des membres de la Team2Poy en est le parfait exemple. Des artistes du genre maïmouna, un dérivé plus lent du rap ivoire et inspiré par la trap, posent aussi sur des productions biama, comme l’artiste Ste Milano, membre de la Team Paiya. 

Les hits « Le Coup du marteau » (130 millions de vues sur YouTube) et le titre « Fimbu » (48 millions de vues sur YouTube) qui ont accompagné les footballeurs de la sélection nationale ivoirienne durant Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2024, s’approprient parfaitement les codes du biama, pour mieux le mettre en orbite à l’international. Le banger absolu “Fimbu” s’ouvre d’ailleurs par l’intro « ça cest biama, méchant méchant ». L’imparable « Coup du marteau » a été certifié disque d’or dès avril 2024 en France par le Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP). Ce track est loin le plus gros hit ivoirien à l’étranger de ces dernières années. 

Ainsi, les biamaseurs ivoiriens n’ont pas manqué de saisir l’opportunité d’une CAN se déroulant chez eux pour promouvoir le genre. A cette occasion, la Team2Poy a réuni plusieurs artistes sous la bannière « Collectif biama », dont Azazou Satellite, afin de sortir le son « Life » au début de la compétition. Résultats : 2,5 millions de vues sur Youtube. Le biama s’invite aussi sur les plateaux tv et dans les émissions de radio, locales comme nationales. La presse ivoirienne est désormais curieuse de ce nouveau mouvement et ne manque pas d’inviter ses têtes d’affiche pour tenter de cerner le phénomène. Dydy Yeman en avril dernier sur le plateau de la chaîne NCI, Zadi the king deux mois plus tard lors de l’émission « C’midi » de la chaîne nationale RTI 1, la Team2Poy et le chanteur-chorégraphe Azazou Satellite début juin 2024 lors d’une émission spéciale biama sur cette même chaîne… Tous sont venus le clamer haut et fort : ils sont les nouveaux porte-étendards d’une jeunesse ivoirienne en pleine ébullition.

Une assise dans la street grâce aux battles

Le mouvement bénéficie de nombreux relais sur les réseaux sociaux, dans les playlist des night clubs et grâce à la récente médiatisation de la part de la presse classique. Il possède aussi des scènes dédiées – notamment les soirées « chez Potter » à Koumassi (commune du sud d’Abidjan) le vendredi soir –, ainsi que sur la place jean Paul II à Yopougon, tous les soirs. Mais le biama, phénomène urbain venu des quartiers populaires d’Abidjan, possède avant tout une assise dans la street via les battles. Ces concours, d’abord informels, se structurent maintenant de plus en plus. Objectif ? Faire émerger les danseurs les plus stylés qui viennent s’affronter pour le titre de « meilleur biamasseur » et, depuis peu, de l’argent avec des sommes allant de dix à cent milles francs CFA (environ 150 euros). 

Battle biama parrain Ramses Tikaya © NGuessan-Zoukou Annick

Faire la démonstration de toute la palette des styles des danseurs du biama tout en créant des moments de communions collectives avec les habitants de Youpougon qui ont accompagné cette tendance : c’est dans cette optique qu’est né le collectif « Biama décalé », à l’initiative de Jamax, créateur de contenus, et Mike Dizzy on the track, l’arrangeur de Dydy Yeman et de la Team2Poy. « On a décidé de mettre en lumière les faiseurs de biama avec une plateforme typiquement dédiée à ce genre là », précise Jamax. Le collectif organise depuis 2024 des battles le week-end, sur des terrains vagues ou dans des cours d’écoles de Yopougon offrant une récompense de 100 000 francs CFA pour le vainqueur. 

Les artistes biama, au cœur du Do-It-Yourself

Malgré ces nombreux coups d’éclats, l’inscription du biama dans l’écosystème musical ivoirien demeure fragile, à commencer par sa reconnaissance auprès des grandes maisons de disques. Pour l’heure, très peu de « biamaseurs » figurent dans les catalogues des majors. Si la Team2Poy – qui réunit les premiers artistes estampillés biama – sort ses morceaux sur un label, ce n’est pas le cas de tous les artistes. Dydy Yeman lui, navigue en indépendant. « Je me bats seul » explique-t-il. « L’idée est de montrer aux labels que je ne suis pas là pour m’amuser. Si une maison de disques est intéressée, il faut quelle soit prête à 200 % car à moi seul, jai déjà atteint les 13 millions de vues avec mon titre la Pression” ». 

Si Zadi the king finance sa musique, c’est grâce au coup de pouce charitable de Ventura, jeune gérante d’un maquis à Yopougon. Devenue sa productrice sans expérience préalable dans le domaine musical, Ventura – Linda Yao à l’état civil –  a décidé d’investir dans la carrière de Zadi car impressionnée par son talent : « je navais jamais fait ça auparavant mais jai eu envie dessayer car je crois en lui » résume simplement la patronne de trente ans. Avec les revenus de son bar de quartier, elle finance les enregistrements studio de Zadi. Pour ses clips-vidéos, elle attend d’abord de voir les résultats en termes de vues des extraits publiés sur les réseaux sociaux, avant de se lancer dans la production de la totalité du clip. 

L’équipe de Zadi the King: Venture, Zadi et Koffi Traoré © NGuessan-Zoukou Annick

Sans labels, la structuration est lente : Dydy Yeman et Zadi the King multiplient EP et single, en attendant la sortie d’un premier opus. Chez Universal Music Africa, principale major du continent (avec son concurrent Sony Music), comme chez C2C, le premier label indépendant de Côte d’Ivoire, les artistes biama sont complètement absents des catalogues.

« Nous sommes le futur du coupé-décalé »

« Nous sommes conscients de la dimension du mouvement, on le voit monter, mais pour linstant on a pas encore dartistes catégorisé 100% biama signé chez nous » commente Franck-Alcide Kacou, directeur général d’Universal Music Africa. « Cest un phénomène qui grandit plus vite que dautres styles musicaux ivoiriens apparus ces dernières années grâce à la danse et à la viralité de certains morceaux ». Mais le directeur pointe dans le même temps une absence d’incarnation : « DJ Arafat est irremplaçable. Il a porté le coupé-décalé à un niveau inégalé dans le panthéon de la musique ivoirienne. Aujourdhui, le biama ne possède pas encore de figure majeure, de talent assez incroyable, pour lui emboîter le pas. Est-ce qu’au sein de cette nouvelle génération se cache un héritier ? Je ne sais pas encore ».

De son côté, Cheikh Louis Tall, PDG du label C2C, suit le mouvement de loin et attend de voir si ce dernier prendra le pas sur les autres tendances actuelles : « Il faut attendre un peu pour se pencher dessus. Beaucoup de nouveaux genres sont en train de naître, comme lafrobeat ivoire avec un artiste comme Dirty Akim ou la nouvelle pop avec Paulo Chakal… On attend donc de voir lequel de ces genres s’implante solidement dans la durée ». 

Face à l’attentisme – désormais quasi-rituel – de l’industrie musicale, les pionniers du mouvement serrent les poings et se retroussent les manches : Dydy Yeman veut voir dans sa récente mini-tournée en France le signe que le biama prend de la dimension. « Ce nest pas un mouvement qui va mourir maintenant » clame l’artiste « avec plus de solidarité, je pense quon ira loin. » Pour les biamaseurs Roma Chichaya et Azazou Satellite « le biama est à la fois le passé et le futur du coupé-décalé ». Quant au manager de Zadi The King, Koffi Traoré, il mise sur la (très) jeune génération d’auditeurs du biama qu’il imagine déjà en gardienne de cette musique : « le biama est arrivé en même temps que lessor du réseau social TikTok. Tant quil restera dynamique sur cette plateforme, il restera dans la tendance. Aujourd’hui, des enfants de deux à trois ans sont fans de biama. Quand ils grandiront, ils seront la nouvelle génération biama ».

Biama demo de Roma Chiyaya, Juin 2024 © NGuessan-Zoukou Annick

« Le fait que les artistes basent l’essentiel de leur stratégie sur les réseaux sociaux peut justement s’avérer limitant sur le long terme » commente le musicologue Adolphe Yacé. Pour le professeur de musique, « les acteurs du biama doivent empoigner la vague de popularité dont ils bénéficient actuellement pour planifier les prochaines étapes du mouvement. Par exemple, en créant des labels et festivals dédiés au genre, qui seront en mesure d’assurer aux artistes une carrière plus longue que la durée de vie d’un simple buzz ». Dans le cas inverse, « lorsque qu’ils arriveront le creux de la vague, ils risquent de sombrer dans loubli » met en garde Adolphe Yacé. 

La mauvaise réputation

Autre défi de taille pour les biamasseurs : la mauvaise réputation associée à leur musique. « La danse des immatures » est également celle des « mauvais garçons ». Dans les médias ou sur les réseaux sociaux, une petite musique monte, en parallèle du succès que connaît le genre : le biama ferait l’apologie de la consommation de drogues. Notamment du Kadhafi, un puissant opioïde souvent mélangé avec de l’alcool pour augmenter son effet sédatif. L’incendiaire chanson « Khadafi » du groupe 100 Papo cristallise une bonne partie de ces critiques.

Pas simple de s’installer dans le cœur des institutions culturelles quand sa musique est accusée de pousser les jeunes vers les produits stupéfiants. Jamax du collectif Biama décalé comprend l’inquiétude, tout en la tempérant : « au début du mouvement, certains se sont mis en scène de manière irresponsable. Mais ce nest plus le cas maintenant. Parce que le biama, cest du sérieux. Tout le monde est impliqué pour faire grandir le mouvement ». Dydy Yeman, lui, évacue cette accusation de manière laconique : « on est civilisé, notre musique nest pas synonyme de délinquance ». 

À cette mauvaise presse s’ajoute une concurrence féroce entre les nouveaux sous-genre musicaux comme le maïmouna, dont les sémillants ambassadeurs comptent bien prendre, eux-aussi, la lumière : « difficile de dire si le biama a plus de chance de sinstaller et de sexporter que le maïmouna. Ce sont deux sous-genres qui vivent et qui vont continuer à vivre mais ils donneront probablement naissance à d’autres sous-genres », professe Franck-Alcide Kacou d’Universal Music Africa. Le patron du label C2C, Louis Tall, partage les mêmes incertitudes quant à la recomposition du paysage musical urbain en Côte d’Ivoire dans les prochains mois : « le biama et le maïmouna sont tous les deux dérivés du coupé-décalé, mélangés avec des sonorités urbaines. Impossible de dire quel style va réussir à simposer sur le long-terme sur le territoire ivoirien ».

Fort d’une esthétique désormais constituée ainsi que de belles frappes sonores, le biama a mis un sacré coup de pied dans une fourmilière musicale ivoirienne un peu boursouflée, jusqu’ici figée entre le rap ivoire ou encore le rap chrétien proposé par l’artiste évangéliste KS Bloom. Encore à la merci du caractère volage des goûts musicaux de son très jeune public, l’enfant terrible de Yopougon se cherche encore un devenir. Pour Zadi the King : « personne ne peut prédire la durée de vie de ce mouvement. Le temps que ça dure, nous on est dedans ! Et puis tu sais, si le biama doit disparaître, alors on en aura bien profité. Et on sera toujours fiers davoir proposé une autre formule du coupé-décalé ! »



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